Patrick et Sophie ont sauté le pas. Adieu Paris, ils s’installent en Limousin. Ils étaient ingénieurs, il seront maraichers.
C’est bientôt l’hiver et Patrick prépare le bois. Il est très fier car il a coupé deux stères.
Jean-François, le vieux voisin, s’accoude à la barrière et observe :
– C’est bien du travail.
– Je ne vous le fais pas dire. Parait que l’hiver peut-être rude en Limousin.
– Faudrait pas se retrouver dépourvu.
Et de cracher dans ses mains et de se mettre à son tour au travail. Une brasse.
Sophie dit à Patrick :
– Tu vois ce qu’il a fait ? Fais-en plus.
Patrick s’active. Quatre stères de plus. Il hèle Jean-François dans sa cour.
– Alors Jean-François, il va être froid cet hiver ?
– Ben ça, faut croire. On est jamais trop prudent.
Sophie est inquiète. Patrick se démène. Le tas grandit.
De l’autre côté de la barrière, Jean-François en fait autant.
– Vous ne vous ménagez pas.
– Et oui, l’hiver va être froid.
– Ca pour sur.
Sophie :- T’as entendu ce qu’il a dit ?
Patrick repart pour deux brasses. Il est en nage.Jean-François aussi.
– Voilà un beau tas de bois.
– J’espère bien. On ne veut pas mourir de froid.
– Vous avez bien raison. J’en frissonne d’avance.
Et ça scie, et ça cogne de tous les côtés. Des stères, des brasses, ils ne comptent même plus.
Essoufflé, Patrick hèle Jean-François.
– Si j’ai bien compris, on va tout droit vers un petit âge glaciaire. Moi qui croyait qu’on aurait plus d’hiver. Mais dites-moi, Jean-François. A quoi devinez-vous que l’hiver va être si froid ? On a pas même pas vu encore passer les grues !
– Et bien voyez-vous, mon brave père me disait toujours « nous autres, nous ne sommes que de pauvres paysans ignorants. Si tu veux devenir quelqu’un, regarde les gens de la ville et fais comme eux. Parce que eux, ils savent ».